Chère Scarlet de Teresa Wong
Chère Scarlet est un roman graphique que l’on pourrait considérer d’utilité publique. Il montre l’envers d’une maternité difficile sur fond de dépression post-partum. Un sujet trop souvent encore considéré comme tabou.
Avoir des enfants est la chose la plus naturelle du monde. Nous, femmes, sommes faites pour donner la vie, pour porter des enfants, pour leur offrir le meilleur, pour nous annihiler face à leurs besoins impérieux. C’est bien connu, une femme a l’instinct maternel au fond de ses tripes. Ca n’est pas faire œuvre de courage que de se lever au milieu de la nuit pour la tétée. Ca n’est pas même un effort que l’on consent à faire car par sa seule présence, un bébé nous remplit de joie, de bonheur, de gratitude. Etre mère, c’est la plus belle chose au monde.
Vous y croyez, vous, encore à ces conneries culpabilisantes ? Combien d’entre vous, lorsqu’elles étaient jeunes mamans se sont senties écrasées par le poids des responsabilités, la fatigue harassante, le lien qui a du mal à se créer avec ce bébé que l’on vous colle dans les bras ? Combien d’autres aiment profondément leurs enfants mais ne peuvent s’empêcher de regretter leur vie d’avant ? Si c’était à refaire… Combien n’osent pas partager leurs idées noires de peur d’être taxées de mauvaises mères et d’être profondément méprisées par celles qui n’arrivent pas à avoir d’enfant ? Combien de mères souffrent en silence et s’en veulent de faire souffrir par ricochet ce petit être qui a transformé leur vie à jamais ?
Le diagnostic était parfait, vraiment…
Signes de la dépression post-partum : pleurs incontrôlables, sentiments de honte, de culpabilité ou d’inutilité, pensées suicidaires récurrentes, perte d’appétit, insomnie ou hypersomnie, fatigue extrême ou manque d’énergie, peur de ne pas être une bonne mère.
Non la maternité n’est pas un océan de béatitude et d’amour. Non, toutes les femmes ne vivent pas les premiers mois avec le sourire aux lèvres. Non toutes les maternités ne sont pas instagrammables. Et oui, je l’ai facile de dire tout ça, moi qui n’ai pas d’enfants mais si ce thème me touche autant c’est parce que je sais au fond de moi que j’aurais fait partie de ces femmes en détresse si j’avais été mère. Et je sais aussi qu’à l’époque où je voulais plus que tout le devenir, je ne faisais que répondre à un diktat de la société qui pèse sur la plupart des femmes quand arrive la trentaine. Heureusement pour moi, mon corps a décidé ce que ma tête n’était pas en mesure de trancher, il m’a empêchée de devenir une mère qui regrette sa vie d’avant. Pour moi, le destin a donc finalement bien fait les choses mais c’est aux autres femmes que je pense. Pas à celles pour qui la maternité a été une révélation, celles-là connaissent leur chance mais à toutes celles qui ont été jetées dans le grand bain sans vraiment savoir nager ni être certaines d’aimer vraiment l’eau.
Heureusement la parole commence à se libérer un peu sur ce sujet douloureux. Teresa Wong apporte sa pierre à l’édifice en nous proposant un roman graphique qu’elle a écrit et illustré pour revenir sur son parcours difficile qui a suivi la naissance de sa fille Scarlet. Avec tendresse et sans fausse pudeur, elle parle de ce que l’on ne voit pas habituellement, de ce que l’on tait, de ce qui fait désordre. De ce corps qui change irrémédiablement, de ce foutu instinct maternel qui se fait la malle au moment où elle en a le plus besoin, de ce mal-être persistant qu’elle peine à s’expliquer, de cette dépression post-partum qu’elle mettra du temps à identifier. Ce roman n’est pas tant destiné à sa fille enfant qu’à sa fille devenue femme et avant qu’elle ne devienne mère. Ce roman c’est la façon que Teresa Wong a trouvé pour dire à sa fille et à travers elle, à toutes les femmes, qu’elle a le droit de laisser parler ses émotions, que la maternité est quelque chose de complexe et qu’il est normal de se sentir dépassée par cela. Que la culpabilité n’a pas sa place ici. Que devenir mère n’est ni une obligation, ni une évidence. Qu’il faut parfois du temps et de la bienveillance envers soi-même pour y parvenir. Et qu’il faut se faire aider si l’on en éprouve le besoin.
Dans ce roman graphique, le message passe autant par les textes totalement déculpabilisant que par les illustrations en noir et blanc. Le trait de crayon est volontairement basique et c’est tant mieux. Ca n’est pas l’esthétisme qui est recherché ici mais la proximité. Teresa pourrait être une mère, une sœur ou une amie venue à notre chevet au moment où l’on a le plus besoin de réconfort. Ses dessins exposent son vécu et des situations dans lesquelles chaque mère traversant une dépression post-partum pourra s’identifier. C’est éminemment touchant. Chère Scarlet est un livre à offrir à une jeune maman que l’on sent à la dérive pour lui rappeler qu’elle n’est pas toute seule et que non devenir mère, ça ne coule pas de source.
L’ESSENTIEL
Chère Scarlet
Teresa WONG
Editions Dunod
Sorti le 10/06/2020 en GF
128 pages
Genre : roman graphique, bande dessinée
Personnages : Teresa, son mari et son bébé Scarlet
Plaisir de lecture : ❤❤❤❤❤
Recommandation : oui
RÉSUMÉ DE L’ÉDITEUR
Dans ce roman graphique intime et émouvant, Teresa Wong écrit et illustre l’histoire de sa lutte contre la dépression post-partum sous forme d’une lettre à sa fille Scarlet. Déchirant et drôle, Chère Scarlet rend parfaitement compte du désespoir silencieux de celles qui souffrent de dépression post-partum et du profond sentiment de culpabilité et d’incompétence.
Chère Scarlet est un parcours poignant et profondément personnel à travers les complexités de la nouvelle maternité, offrant de l’espoir aux personnes touchées et l’assurance qu’elles ne sont pas seules.
Teresa Wong est une autrice canadienne qui a eu trois enfants en moins de cinq ans. Elle a d’abord eu peur que la maternité ne la détruise, mais elle est agréablement surprise de se trouver sans cesse renouvelée. Quand ses enfants dorment, elle écrit et dessine. Quand elle dort, ça ne dure jamais très longtemps. Chère Scarlet est son premier ouvrage.
TOUJOURS PAS CONVAINCU ?
3 raisons de lire Chère Scarlet
- Si vous ou l’une de vos proches traverse une période compliquée à la suite d’une naissance
- Si vous aimez les romans graphiques qui traitent de sujets de société
- Si vous appréciez les récits personnels
3 raisons de ne pas lire Chère Scarlet
- Si le traitement sous forme de roman graphique n’est pas assez poussé pour vous
- Si le thème de la dépression post-partum ne vous évoque rien
- Si vous cherchez une bande-dessinée pour vous divertir
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