La dictatrice de Diane Ducret

Dans La Dictatrice, Diane Ducret imagine pour nous un avenir proche dans lequel une femme prend le pouvoir sur l’Europe et impose sa vision de la société. Alors qu’elle promet l’harmonie et la paix, c’est le chaos qui attend le peuple…

La Dictatrice de Diane Ducret (éditions Flammarion)

La Dictatrice de Diane Ducret (éditions Flammarion)

Dans un avenir très proche, l’Union européenne s’apprête à vivre ses dernières heures. D’un commun accord, les représentants des pays membres ont décidé de mettre un terme à une alliance économique et sociale qui n’a pas su tenir ses promesses. La déception du peuple n’a d’égal que sa colère et parmi la foule venue afficher son mécontentement se tient une jeune femme, une anonyme qui brandit une pierre et la jette à la tête d’un chef d’Etat. Aurore Henri vient de signer un acte qui lui vaudra plusieurs années de prison. Et par cet acte Aurore Henri est devenue sans le savoir le symbole d’un renouveau tant espéré.

Cette journée du 8 novembre 2023 marque le début de l’ascension d’une jeune femme qui deviendra en une décennie la femme la plus puissante de la planète en prenant la tête de la Nouvelle Europe. Nous suivons pas à pas l’évolution de ses idées jusqu’à devenir une idéologie empruntée au modèle de la ville de Sparte, l’eunomisme. Sur le papier, cette bonne législation qui prône la justice et l’équité ne peut que séduire des citoyens désœuvrés. Mais les bonnes intentions peuvent vite se transformer en armes redoutables quand, de préconisations, elles deviennent injonctions. Vouloir le bonheur d’autrui en le contraignant n’a jamais été source d’épanouissement et dans ce rôle, une femme à l’instinct de mère nourricière peut s’avérer bien plus dangereuse qu’un homme.

– « Madame, c’est que beaucoup ont profité de ces heurts pour tenter de s’évader… Enfin, de quitter la zone de citoyenneté libre et eunomique de Nouvelle Europe. » Aurore se fige, comme sous le choc d’une nouvelle incompréhensible.
– « Comment cela s’évader ? Pourquoi diable voudraient-ils s’évader du paradis de l’humanité ? »

Même si j’ai perçu le message global de ce roman, je n’ai pas été en capacité d’en apprécier chaque détail car le traitement littéraire m’a gênée. J’ai trouvé l’approche trop factuelle avec une mise à distance du sujet, à l’image d’un documentaire qui s’attache plus aux faits qu’aux personnes. Le traitement est froid, monocorde et sans émotions. Ce texte, bien que découpé en paragraphes courts, est très dense, traité d’un bloc. Ca manque de dialogues et d’interactions entre les personnages, de vie aurais-je envie de dire. On perçoit l’idéologie d’Aurore Henri par ses discours et par les faits alors que j’aurais préféré être à la racine du mal, dans son intimité, dans son esprit et jusque dans sa folie. J’aurais aussi tant aimé voir les dégâts de sa politique sur ses concitoyens, avoir des scènes décrites au sein des foyers. Car finalement ça n’est pas tant la personne d’Aurore Henri qui m’intéressait que son pouvoir de nuisance sur le peuple.

Le traitement chronologique de cette ascension fulgurante ne favorise pas non plus l’expression de sentiments forts puisqu’au lieu d’être sonné par le drame qui se joue sous nos yeux, on s’y habitue au fil des pages. On y a été préparé petit à petit depuis le début et finalement tout cela ne paraît pas si effroyable que ça. Ce qui est effroyable en revanche c’est d’imaginer que c’est précisément ainsi que cela se passe dans la réalité : on accepte des choses anodines pour son bien, on fait de petits sacrifices pour le bien de la communauté, on comprend les efforts demandés dans l’attente d’un jour meilleur… On s’habitue à voir nos libertés rognées petit bout par petit bout et en définitive, le temps que l’on comprenne ce qui nous arrive, il est déjà trop tard.

Je referme donc cette dystopie avec un sentiment mitigé, me sentant enrichie de certaines réflexions salvatrices mais aussi déçue de ne pas avoir éprouvé de plaisir particulier à la lire.


L’ESSENTIEL

Couverture de La dictatrice de Diane Ducret

Couverture de La dictatrice de Diane Ducret

La Dictatrice
Diane DUCRET
Editions Flammarion
Sorti le 22/01/2020
512 pages 

Genre : dystopie
Personnages :  Aurore Henri
Plaisir de lecture : ❤❤❤
Recommandation : oui
Lectures complémentaires : 1984 et La ferme des animaux de George Orwell, Matin brun de Franck Pavloff, La vague de Todd Strasser, Sophia Pétrovna de Lydia Tchoukovskaïa

 

 

RÉSUMÉ DE L’ÉDITEUR

Depuis des années, on entend grogner la révolte sur le Vieux Continent. Un sentiment de rejet généralisé, l’impression pour beaucoup d’avoir été débarqués du progrès. Quand soudain, un violent orage éclate. Une femme se lève parmi la foule. Munich, novembre 2023, une manifestation populaire. Aurore Henri se saisit d’un pavé et le lance au visage d’un chef d’Etat. Derrière son regard bleu magnétique, une volonté d’acier, un espoir fou, guérir les hommes de leurs tendances destructrices, bâtir une société nouvelle où règnent la paix et l’harmonie. Diane Ducret nous livre une vision infiniment romanesque d’un Occident qui sombre dans le chaos et trouve son nouveau guide en une femme aux motivations aussi secrètes que son ambition est démesurée.


TOUJOURS PAS CONVAINCU ?

3 raisons de lire La Dictatrice

  • Parce que l’on est dans un avenir que l’on peut toucher du doigt, c’est d’un réalisme saisissant
  • Parce que c’est intéressant d’imaginer une femme dans la peau d’un dictateur
  • Parce que les problèmes de société évoqués dans ce roman sont les nôtres et les solutions proposées pourraient un jour nous tenter également, pour le pire assurément

3 raisons de ne pas lire La Dictatrice

  • Parce que ça manque de romanesque contrairement à ce que promet la 4e de couverture
  • Parce qu’on ne vit pas cette histoire dans ses tripes
  • Parce que ça manque de rythme et de variation d’intensité, de puissance
2 réponses
  1. obanitcheva
    obanitcheva dit :

    En effet, le roman n’est pas captivant. Froid, laconique. C’est une lecture plus intellectuelle que émotionnelle. J’ai une curieuse impression qu’il est écrit par un homme. Mais ce que vous dites sur l’acceptation douce, inconsciente de ce qui arrive, est justement le mérite de ce livre. Le lecteur, sans s’en apercevoir, subit le même traitement que le peuple. Peu à peu, il s’y habitue. C’est ce qui est terrible. Dans vos lectures complémentaires j’aurais ajouté : “Sophia Petrovna” de Lydia Tchoukovskaïa où est décrit le même processus à l’époque soviétique, comment peu à peu on accepte l’inacceptable.

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