Le sang des mirabelles de Camille de Peretti
Je termine la sélection de février du Prix des lecteurs 2021 avec Le sang des mirabelles, un roman historique original et intéressant à bien des niveaux. Mais pas sans défaut…
Nous sommes au Moyen Age pour suivre la destinée de deux sœurs, les filles du Lion. L’une, Elénonore, surnommée la salamandre va épouser le seigneur Guillaume dit l’Ours, veuf de son état et sans descendance. La mission d’Eléonore sera simple : offrir un héritier au trône, en plus d’apporter des terres à son époux afin qu’il devienne le seigneur le plus puissant de la Province. Adelaïde, dite l’abeille, est encore trop jeune de son côté pour penser au mariage. Sans oser l’avouer à son entourage, la jeune fille s’est prise de passion pour la médecine qu’elle apprend aux côtés du vieux Hibou dans son officine. L’une et l’autre devront se tenir à l’écart des guerres et des complots orchestrés par les hommes, il n’est pas du ressort des femmes de prendre des décisions et d’agir. Mais l’une comme l’autre ne parviendront pas à se résoudre à occuper une place qui les condamne à l’oisiveté et à une vie insignifiante. Leur fougue et leur passion tourneront à la déraison et les amèneront à braver bien des interdits.
La mère attend son fils depuis longtemps. Impatiente de le serrer dans ses bras, elle le tiendra comme on tient sa revanche. Elle a appris qu’il n’y avait que deux manières de prendre le pouvoir en ce monde quand on naissait femelle, par le bas-ventre ou par le ventre. Ecarter les jambes pour y faire entrer le pendeloche de son seigneur ou écarter les jambes pour en expulser l’enfant qui vous protègera. Sans mari et sans fils, point de salut.
Roman sur l’émancipation féminine à une époque où cela peut sembler totalement incongru, Le sang des mirabelles m’a plu autant par son sujet que par son traitement. Je sais que plusieurs de mes co-jurés ont buté sur le style et sur la langue. Je n’ai pas ressenti les mêmes difficultés à entrer dans ce roman, bien au contraire, je m’y suis glissée avec facilité et délectation à mesure que je croisais des mots de vieux français aussi étonnants que divertissants. Le vocabulaire de l’époque ne manque pas d’imagination : il est parfois fleuri voire graveleux, souvent poétique et toujours imagé, j’ai souri à plusieurs reprises et ai même lu quelques passages à voix haute à mon mari pour partager certaines trouvailles plutôt cocasses. Inutile de recourir à un dictionnaire pour autant car d’une, ces mots n’y figurent plus et de deux, ils sont totalement compréhensibles dans leur contexte et par leur racine. Ce jeu avec la langue m’a procuré un réel plaisir intellectuel et esthétique et m’a permis de m’ancrer totalement dans ce Moyen Age que j’aime tant retrouver depuis ma découverte des Piliers de la terre de Ken Follet.
Ceci dit, les romans historiques de ce dernier dépassent largement celui-ci sur un point crucial : la qualité de l’intrigue, le rythme, les révélations et les rebondissements. Tout ce qui fait en somme qu’on est capable de suivre Ken Follet sur des milliers de pages et d’en redemander alors qu’ici j’ai bien cru caler après les 200 premières pages. Si l’histoire est facile à suivre, elle est aussi beaucoup trop linéaire et l’on a vite fait de trouver le temps long. Pas assez de personnages peut-être ? Pas assez de rebondissements assurément. Dans tous les cas, c’est la raison pour laquelle mon avis est finalement en demi-teinte sur ce roman pourtant bourré de qualités.
L’ESSENTIEL
Le sang des mirabelles
Camille de PERETTI
Editions Calmann-Lévy en GF et Le livre de poche
Sorti en GF le 06/03/2019 et en poche le 06/01/2021
360 pages
Genre : roman historique
Personnages : Les soeurs Eléonore et Adelaïde, le seigneur Ours, le duc des Ronces, Tancrède, le Rossignol, Cathaud, etc.
Plaisir de lecture :
Recommandation : oui
Lectures complémentaires : la saga historique de Ken Follet : Les piliers de la terre, Un monde sans fin, Une colonne de feu et le préquel Le Crépuscule et l’Aube, la saga de Kate Moss La Cité de Feu et La Cité de Larmes
RESUME DE L’EDITEUR
« Depuis deux saisons déjà, le vieux Hibou lui avait ouvert les portes de son officine et l’avait laissée feuilleter les pages de ses livres. Elle s’y était plongée avec délice, elle avait tout dévoré. Quelques mois et tout avait changé ; la jeune fille savait désormais que le monde ne se réduisait pas à une bobine de fil et à une aiguille. »
Au cœur du Moyen Âge, deux sœurs, Éléonore et Adélaïde, se bâtissent un destin singulier. Bravant les conventions, l’une découvre le véritable amour tandis que l’autre s’adonne en secret à sa passion pour la médecine. Mais cette quête d’émancipation n’est pas sans danger à une époque vouant les femmes au silence.
Un conte historique puissant et actuel. Parce qu’à travers son duo d’héroïnes, la romancière brise pas à pas les chaînes qui, de tout temps, ont enserré les femmes. Flavie Philipon, Elle.
Ce roman ouvre les portes d’un Moyen Âge captivant. Marie Rogatien, Le Figaro magazine.
TOUJOURS PAS CONVAINCU ?
3 raisons de lire Le sang des mirabelles
- Parce que c’est une intrigue beaucoup plus simple à suivre que celles de Ken Follet
- Parce que le travail sur la langue est vraiment à découvrir
- Parce que la question de la place de la femme à une époque où elle n’était pas considérée est une approche originale et très intéressante
3 raisons de ne pas lire Le sang des mirabelles
- Ca manque de suspense et de rebondissements
- Tout est traité de manière assez linéaire, les événements majeurs de l’histoire ne sont pas du tout mis en relief
- Rapprocher ce roman d’un bestiaire en donnant un nom d’animal à chaque personnage m’a semblé bien superflu par moment
Je partage votre avis sur ce roman, dont j’attendais mieux.